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April 2020 | PERSPECTIVES

Une brève revue d’analyses : marchés financiers, immobilier, Private Equity

Marchés financiers : un pied dans la porte

Ce qui fait consensus :
Il reste à ce stade difficile de mesurer les conséquences sur les entreprises. On observe de nombreuses suspensions de dividendes, preuve, qu’elles-mêmes naviguent à vue.

Outre les chiffres liés à la pandémie, les gérants surveillent aujourd’hui de près les annonces relatives aux dates et modalités du déconfinement. Cela permet d’anticiper le « coût » estimatif et la rapidité avec laquelle la machine économique sera capable de redémarrer (point sur lequel les analyses divergent beaucoup).

Les marchés ont été rassurés par la réponse synchronisée des différents gouvernements et des banques centrales. Ainsi que par le rythme de reprise en Chine (qui est extrapolé, peut-être un peu rapidement). Beaucoup s’attendent à ce que ces mesures exceptionnelles soient financées par un « tour de passe-passe » de politique monétaire globale, sans s’alerter du niveau d’endettement. Ce sera probablement un sujet d’inquiétude à plus long terme, mais pas immédiat.

Les taux zéro et négatifs s’installent encore plus durablement dans le paysage économique. Cela pourrait être un réel catalyseur en cas de rebond précipité des marchés, lié par exemple à l’annonce d’un traitement contre le coronavirus.

Actuellement, pour de nombreux gérants, en France comme en Suisse, la principale inconnue concerne l’impact de la crise aux Etats-Unis qui n’est sans doute pas complètement intégré par les marchés.

Ce qui fait débat :
Le scénario de sortie : V – U – L – W ?
Le scénario en V ne fait plus recette. Pourtant les marchés rebondissent fortement !
Jusqu’au fort rebond récent, beaucoup voyaient un rebond en U (hausse lente soutenue par de bonnes nouvelles sanitaires, mais lesté par des indicateurs micro et macroéconomiques dégradés).
Peu d’analystes retiennent le L.

Le scénario en W reste très présent, mais la deuxième vague de baisse est attendue avec une intensité variable selon les intervenants. Et un timing difficile à anticiper.

Néanmoins même les plus prudents (parfois échaudés par l’amère expérience du rebond raté de 2019) ne souhaitent pas rester totalement à l’écart des marchés. On a constaté des renforcements au cours des 3 dernières semaines, mais les gérants conservent encore de la réserve pour revenir plus agressivement en cas de rechute. Surtout si une deuxième vague épidémique devait se déclarer.

La prudence sur le crédit est contrebalancée par l’opportunité de retrouver un peu de rendement sur des signatures de qualité (Investment grade et souverain).

Immobilier : emplacement, emplacement, emplacement.

Deux camps « s’affrontent » : les optimistes estiment que le Covid n’aura que peu d’impact, d’autres pensent au contraire qu’il sera majeur. Beaucoup sont néanmoins d’accord pour dire que l’activité sera presque totalement à l’arrêt jusqu’au début du 4ème trimestre 2020 et que les faillites seront nombreuses.

Les optimistes avancent deux thèmes principaux :
1- Un plan de 750 milliards d’euros prévu par la Banque centrale européenne (BCE), pour inciter les banques à continuer à prêter à des taux bas – le principal moteur du marché ces dernières années. La détermination des autorités est, à cet égard, historique. Et sans commune mesure avec 2008 et 2011 notamment.
2- L’immobilier est un actif refuge. La volatilité des marchés financiers, devrait en renforcer l’attrait.
3- Des opportunités apparaitront à la faveur de liquidations forcées.

Les pessimistes pensent que :
1- Les déversements de liquidités sur les marchés ne suffiront pas à réamorcer la dynamique de croissance. Ils anticipent une récession économique forte et longue, qui impliquera une baisse de la demande de bureaux et de commerces notamment. Et donc une chute des prix.
2- Le niveau d’endettement global est inquiétant, porté par les taux bas depuis 10 ans. Il n’est pas exclu que certains investisseurs se trouvent dans l’obligation de liquider des actifs pour se désendetter.

La plupart des gérants immobiliers avec lesquels travaille MJ&Cie restent relativement sereins : leurs investissements ont été majoritairement réalisés dans des régions dynamiques et solides, sur des actifs de qualité, où les besoins restent importants. Ils devraient être les premiers à profiter de la reprise… lorsqu’elle arrivera.

Private Equity : un mal pour un bien

Globalement, la situation des participations est très difficile sur le plan opérationnel. Toutes voient leurs perspectives de croissance remises en cause, sans qu’il soit encore possible de réaliser des prévisions sérieuses. Pour autant, les mesures de soutien permettent de tenir.

Les gérants démontrent une forte proximité avec leurs participations, accompagnant plans de continuité d’activité (PCA), démarches administratives ou bancaires visant à gérer le ralentissement ou l’arrêt d’activité.

Assez logiquement, la situation est inégale selon les profils d’investissement :

Les fonds de venture (capital-risque) voient leurs participations subir des baisses de chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 100%. Pour elles, la durée du confinement et la rapidité de la reprise seront déterminantes. Mais les dégâts seront probablement importants.

Dans le capital-développement, les sociétés ont généralement des modèles économiques plus solides, des dirigeants et des équipes à pied d’œuvre, une situation de trésorerie saine (compte-tenu aussi de levées récentes et de droits de tirage supplémentaires). Il y a donc moins d’inquiétudes, même si, là encore, durée de confinement et rapidité de la reprise auront leur importance.

Sur les LBO large cap, la situation pourrait se révéler délicate chez certains, compte tenu de niveaux de leviers agressifs (5 à 7 fois l’EBITDA).

Pour l’après-crise, le cocktail – valorisations plus raisonnables, opportunités plus nombreuses, soutien économique et financier massif et conjoncture de taux porteuse – devrait, selon pas mal d’acteurs, donner des perspectives encourageantes. Surtout pour les fonds les plus récents, ayant encore peu investi.

L’étalement de l’investissement dans le non coté sur plusieurs millésimes, sans précipitation, n’aura jamais autant démontré sa pertinence.

Achevé de rédiger le 21 avril 2020.