Après un dernier trimestre 2018 noir et la fin annoncée du cycle économique qui laissaient entrevoir une année 2019 compliquée, les six premiers mois de l’année déjugent tout pronostic, avec une hausse des marchés comprise entre 15% et 20%. Ce premier semestre a toutefois été mouvementé, avec de fortes amplitudes à la hausse comme à la baisse. Surtout au 2eme trimestre, qui a vu les marchés plonger en mai avant de rebondir en juin, à l’inverse d’un premier trimestre marqué par un rallye haussier ininterrompu.
Les sources de tension restent nombreuses. La plus communément évoquée est bien sûr la guerre commerciale sino-américaine, dont les négociations peinent à aboutir. En toile de fond se dessine un intéressant dilemme, où le Président Trump ne saurait aller à l’affrontement direct avec la Chine, au risque de déstabiliser les marchés auxquels il attache tant d’importance, mais où il se doit de garder une position ferme vis-à-vis de son ennemi désigné et ainsi ne pas perdre la face à l’approche des élections.
L’action de Washington est cependant bien plus large, avec une volonté affichée de revoir tous les accords multilatéraux, pour leur préférer des accords unilatéraux.
Diviser pour mieux régner, telle est l’ambition du président américain pour réaffirmer la place des États-Unis dans le monde face à son challenger chinois.
C’est ainsi que les États-Unis s’attaquent désormais à l’Europe. En ligne de mire, l’Allemagne et son excédent commercial porté par l’industrie automobile, mais également la France. L’amitié franco-américaine a ainsi pris du plomb dans l’aile depuis que la France a décidé, sans que cela soit suivi par le reste de l’Union Européenne, de taxer les GAFA. Il n’en fallait pas plus pour que Washington ouvre une enquête, dont on peut s’attendre à ce que les conclusions soient aussi alarmistes que celles du rapport sur l’industrie automobile allemande.
En agissant ainsi, Trump s’assure de trouver face à lui une Europe désunie, déjà affaiblie par un Brexit sans fin et une situation complexe en Italie.
Le bras de fer entre la Commission Européenne et le gouvernement de Matteo Salvini continue, en effet, au sujet de la dette italienne. Si les marchés ne semblent pas inquiets, l’Italie fait pourtant face à une croissance atone. Rappelons que le pays était entré en récession technique en début d’année après deux trimestres de baisse consécutifs.
L’une des seules sources de réconfort, assez inattendue, vient finalement des élections européennes. L’Europe sort en effet renforcée de ce scrutin, avec des institutions qui demeurent solidement ancrées au sein des partis traditionnels et une percée très contenue des partis extrêmes.
Pour autant, l’Union Européenne reste incapable de jouer le rôle de médiateur qu’elle devrait occuper pour sauver ce qu’il reste de l’accord sur le nucléaire iranien. La situation est pourtant explosive et constitue une source de tension majeure pour les investisseurs.
A l’inverse de l’Europe, qui pour le moment semble condamnée à un strapontin sur l’échiquier politique mondial, la Russie refait surface. On savait déjà que le pays avait pris toute la mesure des nouveaux moyens de communication pour faire valoir sa vision du monde, notamment via une utilisation, certes radicalement différente mais toute aussi intensive des réseaux sociaux, que le président américain. On s’attendait cependant moins à voir la Russie prendre peu à peu l’ascendant sur l’OPEP, sujet ô combien sensible aux États-Unis, en pleine « driving season », surtout lorsque l’ennemi iranien est impliqué.
Tous ces jeux politiques se manifestent avec davantage de puissance que par le passé. Ils sont, à n’en pas douter, des facteurs de stress pour les marchés.
Mais, assumant toujours davantage un rôle quasi politique qui pourrait justifier la reprise en mains directe de la FED par Trump, les banques centrales, FED et BCE en tête, ont à nouveau joué leur rôle de « pompier », assureurs de dernier recours, face à des investisseurs toujours aussi court-termistes et nerveux.
Jérôme Powell, président de la FED, a, en effet, vu son indépendance mise à rude épreuve face aux attaques répétées du président américain. Nous avions relevé son changement de ton en fin de premier trimestre, qui laissait présager une stratégie plus offensive. Option confirmée lorsqu’il s’est montré favorable à une baisse de taux de 0.50% dans les semaines à venir. Pourtant, avec une croissance supérieure à 3%, un plein emploi et des salaires en hausse, rien ne paraît justifier un tel mouvement. Mais Trump semble résolument décidé à doper la croissance américaine et le S&P, encore quelques temps… jusqu’à sa réélection ?
Une chose est certaine, le président américain tient les rênes de la FED, ce qui constitue une arme de plus dans ses négociations avec le reste du monde.
Dans ce contexte, personne n’a été surpris de voir Mario Draghi adopter la même posture que son homologue américain. Il faut dire que les indicateurs macroéconomiques en zone euro affichent un certain retard sur les États-Unis. Toute éventualité de remontée des taux, pourtant au plus bas, a donc été repoussée à 2020, laissant ainsi plonger le 10 ans allemand et français à des niveaux records, en territoire négatif. Avec cette décision, Mario Draghi deviendra le premier président de la BCE à n’avoir effectué aucune hausse de taux au cours de son mandat.
Enfin, la banque du Japon n’est pas restée inactive puisqu’elle a également évoqué la possibilité de soutenir une nouvelle fois son économie.
Malgré des résultats d’entreprises en demi-teinte au 2e trimestre, l’effet de ces initiatives des banques centrales est indéniable. Les marchés semblent pour l’instant demeurer relativement solides. A court terme au moins.
Les banques centrales ne pourront soutenir les marchés éternellement, D. Trump ne pourra doper artificiellement son économie sans fin. Beaucoup d’indicateurs laissent présager un ralentissement économique mondial. Chine incluse. Même si les États-Unis disposeraient alors d’une marge de manœuvre que n’a pas l’Europe pour baisser ses taux et relancer la machine, toute nouvelle qui viendra ternir le tableau idyllique auquel nous invite le président américain, qui masque en partie les nombreux risques évoqués, pourrait se payer comptant par de violents mouvements de marché.
Certes, le vent de panique de décembre dernier semble bien loin derrière nous. Mais le contexte général invite malgré tout à une certaine prudence…