Marché : trompe-l’œil

June 2025 | PERSPECTIVES

Sous des airs d’accalmie, l’économie mondiale reste sur une ligne de crête. Si la croissance ralentit sans véritables heurts, que l’inflation se stabilise et que les banques centrales amorcent un assouplissement progressif, le fond du décor demeure fragile. Secouée par une série de chocs, pandémie, guerre, choc énergétique, inflation, la mécanique globale peine à retrouver un équilibre durable.

Plus que jamais, ce sont les dynamiques politiques et géopolitiques qui dictent le tempo des marchés.

Trajectoires régionales divergentes

Aux États-Unis, la croissance serait-elle sous perfusion technologique ? Les signaux macroéconomiques restent ambivalents : croissance en repli, marché de l’emploi qui fléchit, consommation en ralentissement. L’inflation demeure élevée, bien que sous contrôle, tandis que le déficit budgétaire atteint des sommets. La perte du triple A par Moody’s souligne les craintes que suscite cette évolution. Et pourtant, les marchés tiennent. Portés par la technologie et l’euphorie autour de l’IA, les indices progressent. Mais cette dynamique repose sur un équilibre instable : plus de 40 % de l’épargne des ménages est investie en actions. Une correction brutale pourrait avoir un impact politique sensible, notamment pour Donald Trump, dans la perspective de futures élections.

En Europe, la conjoncture parait fragile, mais le terrain fertile. La BCE a engagé un cycle de baisse des taux, soutenue par une désinflation marquée. La reprise reste poussive, mais des signes de stabilisation se confirment : recul des prix de l’énergie, maîtrise budgétaire relative, malgré des situations toujours préoccupantes, particulièrement en France, et résultats d’entreprises globalement résilients.

Les grands projets structurants, notamment dans l’énergie ou la défense, peinent encore à se concrétiser. Mais le changement de cap budgétaire en Allemagne et le plan européen de €800 milliards pourraient être des soutiens à moyen terme.

En Chine, le modèle est en transition. Croissance ralentie, indices PMI faibles, inflation quasi nulle : les moteurs traditionnels de l’économie tournent au ralenti. Le secteur immobilier reste en difficulté malgré des mesures de relance. Pékin se tourne vers des secteurs stratégiques (intelligence artificielle, relocalisation industrielle, technologies de rupture, etc.). Mais la transformation du modèle prendra du temps, et la confiance du secteur privé reste fragile.

Déconnexion partielle des marchés

Les marchés financiers se déconnectent partiellement de ces fondamentaux. Les flux passifs, les politiques budgétaires expansionnistes et la (sur)liquidité mondiale continuent de soutenir les valorisations.

Les actions se stabilisent autour de grandes thématiques, tech, infrastructures, défense, mais les marges de progression semblent étroites.

Sur le marché obligataire, la volatilité persiste sur les maturités longues. Elle reflète une reconfiguration des flux d’épargne mondiaux, dopée par les besoins massifs de financement liés aux transitions énergétique, technologique et démographique.

Conclusion et perspectives d’investissement

L’économie mondiale entre dans une phase d’ajustement stratégique profond. La transition climatique, les tensions géopolitiques, le vieillissement démographique et l’accélération technologique ne sont plus des tendances émergentes. Elles redéfinissent les équilibres économiques et financiers.

L’incertitude est devenue structurelle. Les repères traditionnels s’effritent. Pour les investisseurs, le défi est désormais d’adopter une approche souple, fondée sur des convictions de long terme et une lecture transversale des risques.

Quelques clés de réflexion pour l’investisseur de long terme :

  1. Diversification : au-delà des zones traditionnelles, intégrer les marchés émergents, les actifs privés et les actifs réels.
  2. Technologie & IA : incontournables, il convient cependant de surveiller les valorisations.
  3. Vieillissement de la population et transition énergétique : thématiques de fond, soutenues par les flux d’investissement et les États.
  4. Chine : cibler les secteurs stratégiques à potentiel, tout en gérant le risque politique.
  5. Obligataire : retour d’intérêt sur les dettes souveraines de qualité, à duration maîtrisée.

L’ensemble de cette réflexion doit, bien sûr, s’inscrire dans un cadre de durabilité que les coups de boutoirs américains ne devraient pas remettre en cause sur le long terme.