Marchés financiers : TINA, what else?

novembre 2019 | PERSPECTIVES

Sur les marchés, les mois passent et se ressemblent. Trump et la Chine nous rejouent inlassablement leur refrain « je t’aime… moi non plus », le disque du Brexit semble tourner en boucle, et les investisseurs ne savent toujours pas sur quel pied danser. Pourtant, les indices flirtent chaque mois avec de nouveaux plus hauts…

L’explication pourrait tenir en quatre lettres :
TINA : There Is No Alternative!

Les investisseurs préfèrent, en effet, faire fi d’un contexte économique incertain et continuent de se tourner vers la bourse, faute de réelle alternative, dans un environnement de taux négatifs.

Pour se conforter dans cette logique, ils préfèrent regarder le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : la croissance mondiale ralentit et les indicateurs macroéconomiques sont dans le rouge ? Oui, mais c’est moins préoccupant que prévu. Et cela pourrait bien durer encore quelques temps…

Il faut dire que les consommateurs américains continuent de doper la croissance des États-Unis et repoussent ainsi la fameuse fin du cycle que les économistes nous annoncent depuis plusieurs années maintenant. Avec un peu plus de dix années de croissance ininterrompue, le pays a battu son précédent record cet été. Certes, ce n’est rien comparé aux 28 années de croissance que connaissent les Australiens, mais les Etats-Unis ne cessent de défier les statistiques et s’accrochent tant bien que mal à leur place de première puissance mondiale, avec une politique protectionniste qui semble convenir aux marchés.

En Europe, les investisseurs peuvent encore et toujours compter sur la BCE. Malgré une politique déjà ultra-accommodante, celle-ci a annoncé après l’été une nouvelle panoplie de mesures pour soutenir l’économie. Au programme : abaissement du taux de dépôt des banques – une première depuis mars 2016 -, maintien du taux de refinancement à 0% et ce jusqu’à une remontée durable de l’inflation à 2%, et enfin, retour au programme de Quantitative Easing (Assouplissement Quantitatif) à raison d’émissions de €20Mrd par mois. Pour rappel ce programme avait déjà permis d’injecter 2 600Mrd d’euros dans l’économie entre mars 2015 et décembre 2018, date à laquelle la BCE avait décidé de mettre fin à cette mesure, dans une optique de remontée des taux, une époque qui parait aujourd’hui bien lointaine…

Derrière ces mesures, l’objectif est clair : Mario Draghi a profité de ses dernières interventions en tant que président de la BCE pour appeler les Etats à la relance budgétaire, avec l’Allemagne en ligne de mire. Le pays accumule en effet depuis 2014 des excédents budgétaires mais voit son taux de croissance des derniers trimestres ralentir, avec seulement 1% attendu en 2019, dépendance au commerce mondial oblige. Il y a donc de fortes chances de voir le pays déployer un plan de relance qui aura aussi pour conséquence de bénéficier à ses voisins. Les moins bons élèves de l’Union Européenne profiteront ainsi des longues années de rigueur budgétaire allemande.

Le commerce mondial est en effet un des principaux centres d’attention des investisseurs aujourd’hui. En septembre, on assistait, pour le quatrième mois consécutif, à une baisse du volume du commerce mondial en base de comparaison annuelle. Cela s’explique bien évidemment en grande partie par la baisse des exportations Américaines et Chinoises, avec respectivement -2.1% et -6.9%, mais pas seulement. Depuis plusieurs mois maintenant, le concept de « slowbalization » émerge peu à peu. En opposition à la globalisation, ce terme désigne un ralentissement de la croissance mondiale causé par une mutation de l’économie avec des modes de consommation différents et le déclin de l’industrie face aux services. Ainsi, le ralentissement de l’économie pourrait ne pas simplement s’expliquer par des raisons conjoncturelles mais aussi par des raisons structurelles de long terme. A court terme néanmoins, une issue favorable à la guerre commerciale sino-américaine devrait avoir un impact favorable sur l’économie et soutenir significativement les marchés, ce qui est bien évidemment l’objectif de Donald Trump en vue des élections.

Mais au fait : Is there really no alternative? Yes there is.

Classe d’actif moins populaire car moins accessible que la bourse, le private equity semble aussi très nettement profiter de l’environnement de taux bas ou négatifs. En quête d’un rendement disparu, les investisseurs se tournent ainsi de plus en plus vers de nouvelles alternatives. Cette année, pour la première fois, le marché secondaire des grands fonds de LBO (Leverage Buy Out) se traite avec des primes par rapport à la valorisation de leurs actifs.

Cette ruée sur la bourse et le private equity ne doit pas être synonyme de moindre vigilance. Plusieurs « ex-success stories » ont connu un parcours financier pour le moins chahuté. On pense évidemment au fiasco de l’introduction en bourse de WeWork, mais aussi à des titres comme Uber dont le cours est passé de $45 en janvier à $26 en novembre.  Au total, la presse américaine estime à $100Mrd la perte de valorisation des licornes de la Silicon Valley. Et les valorisations de certaines opérations de private equity laissent rêveur (de 15 à 20 fois l’EBITDA). Le cash déversé depuis des années par les banques centrales cherche désespérément à s’investir, parfois à tout prix…

Prudence est mère de sûreté…

Les échéances à venir seront donc primordiales et donneront le LA sur les marchés. En premier lieu, dès ce mois de décembre est intervenue l’introduction (laborieuse) en bourse de Saudi Aramco. Au-delà des chiffres démentiels – une valorisation de $1’700Mrd -, cette opération est surtout synonyme du désengagement de l’Arabie Saoudite sur le marché de l’or noir, avec les conséquences géopolitiques que l’on peut imaginer. 

On pense aussi bien sûr au Brexit, dont on espère – peut-être naïvement – un dénouement en janvier prochain. De l’autre côté de l’Atlantique, les investisseurs suivront bien évidemment de très près la campagne présidentielle américaine, dont la première échéance interviendra dès le mois de février avec le caucus de l’Iowa. On le sait, ces élections seront étroitement liées à l’issue de la guerre commerciale : Trump a besoin d’un deal et la Chine rêverait de traiter avec un démocrate.

Patience est mère de toutes les vertus…

Dans ce contexte, et comme les grands mouvements de marché ne viennent jamais de là où on les attend, une politique systématique visant à écrêter les profits tout en demeurant investi, semble raisonnable. De même qu’une approche réellement sélective et fondamentale. En attendant ces prochaines échéances, qui permettront peut-être de prendre des décisions de gestion, avec davantage de conviction. Dans ce contexte toujours, et puisque les indices semblent impossibles à battre, on pourra également se plonger dans l’analyse des vertus respectives de la gestion active et de la gestion passive. Un débat cyclique, actuellement prégnant cependant, qui doit surtout interpeller sur la nature et la qualité des outils et sous-jacents investis. Car lorsque secousse il y aura, cette approche se révèlera déterminante pour la résilience des actifs. Une résilience que renforceront très certainement de solides filtres ISR.