Neurosciences en philanthropie

janvier 2022 | IDÉES

« La philanthropie traditionnelle a échoué », déclarait en octobre dernier l’héritier multimilliardaire de Roche ; « Verser simplement de l’argent pour satisfaire sa propre conscience n’est pas utile. » Une vision désabusée d’un exercice tellement diffus aujourd’hui qu’on pourrait en oublier la richesse et la complexité.

Il suffit de penser à ce qu’implique, en réalité, l’acte philanthropique : dévouer une partie de son capital, ou de ses potentiels bénéfices, ou encore de son temps et son expertise, au bien commun. Un acte dont la généralisation, particulièrement dans le monde de la finance, ne peut manquer de susciter méfiance, incrédulité et sarcasme.

Rien de plus facile, en effet, que de voir la contradiction entre le postulat de base du monde financier et l’essence de l’action philanthropique comme preuve de la mauvaise foi ou de l’hypocrisie de ces acteurs (banques privées, UHNWI, Family Office) qui intègrent la philanthropie dans leurs politiques internes ou stratégies d’investissement ; d’aucuns verraient même l’action comme intéressée. Mais au-delà des considérations subjectives, un groupe de chercheurs de l’Université de Genève s’est penché sur la question de manière… scientifique.

Ainsi, ces derniers ont étudié les mécanismes biologiques qui déterminent nos valeurs morales, nos valeurs matérielles, et les interactions entre les deux. Ils se sont intéressés plus précisément à la façon dont les préférences morales agissaient dans notre cerveau. Ils ont ainsi pu observer que ces dernières sont représentées par une activité neurale dans les régions cérébrales associées à l’empathie, aux croyances, mais aussi à la gestion des émotions. Résultat des courses ?

Pas grand-chose pour l’instant, si ce n’est que la valeur des vies humaines et celle de l’argent sont traitées par des processus neuronaux distincts. Autrement dit, le comportement moral serait guidé par des processus différents de ceux qui engendreraient un comportement motivé par des considérations personnelles et matérielles.

Il faudra peut-être bientôt réaliser une analyse neuropsychique pour déterminer la propension philanthropique ! Et si la recherche n’en est qu’à ses débuts, le débat sur le bien-fondé de la philanthropie, déjà largement ouvert, s’enrichit de façon inattendue !