La Cour de cassation a brisé le dernier (mince) espoir des porteurs d’emprunts russes de se faire, un jour, rembourser une partie (minime) de l’épargne de leurs aïeux. La chambre civile de la plus haute juridiction a en effet estimé, dans un arrêt du 6/11, que la justice française n’était pas compétente pour contraindre la Russie à exercer sa garantie au profit des épargnants français. Une décision prise au nom de la souveraineté d’un pays étranger sur laquelle un juge français ne peut interférer.
Le litige portait sur des emprunts émis en 1906 et 1908 pour financer les chemins de fer russes, mais s’applique de facto à tous les titres émis avec la garantie du gouvernement impérial russe.
Le contentieux entre la France et la Russie, né après la décision de Lénine, en janvier 1918, de ne pas reconnaître « les dettes tsaristes », a été réglé avec la signature, en mai 1997, d’un accord par lequel chacune des parties renonce à toutes les créances réciproques antérieures au 9 mai 1945 et à soutenir « les revendications de leurs ressortissants ». En clair, si cet accord n’éteint pas juridiquement les droits de créances des porteurs, il empêche le gouvernement français de porter officiellement leurs revendications.
A cette occasion, une compensation a été accordée aux quelques 316 000 porteurs français (ou ayants droit) d’emprunts russes (environ 6 millions de titres recensés) d’un montant de $400M… soit une infime partie des sommes dues, souvent d’ailleurs garanties sur l’or ! Les montants évoqués par les associations ou les historiens sont en effet conséquents : 15Mrd de francs or investis en plus de trente ans, depuis le premier emprunt des compagnies de chemins de fer russes lancé en 1867, soit plus de €50Md. Pas étonnant dès lors que certains épargnants aient refusé d’abandonner le combat. Il ne leur reste donc plus qu’à traîner le Kremlin devant les tribunaux russes pour faire valoir leurs droits. C’est d’ailleurs ce que conclut la Cour de Cassation en soulignant que les Français lésés ne sont pas pour autant privés de justice car ils peuvent saisir la justice russe « dont le manque d’indépendance et d’impartialité ne peut être présumé ».