Après un cru 2021 exceptionnel pour les investisseurs – croissance, performances à deux chiffres, foisonnement de liquidités, 2022 rappelle à une dure réalité dans un contexte difficile à naviguer. L’inflation, les taux et le dollar devront tous atteindre un sommet avant que les marchés se stabilisent.
Une pilule amère, mais une fois digérée, elle devrait permettre de retrouver des bases de valorisation plus saines, et raisonnables.
Dans l’intervalle, et même si la tentation du cash peut être grande, il convient surtout de réexaminer les fondamentaux des titres afin de privilégier les entreprises capables, à un horizon de 5 à 10 ans, de tirer un réel parti des mutations de l’économie et de s’adapter à la nouvelle donne financière et réglementaire, notamment sur le plan climatique.
La profitabilité et la solidité financière (Earnings, Revenues & Cash-Flow) est d’autant plus importante dans cet environnement où les investisseurs font plus attention au coût du capital et à la prime de risque. Il convient également de distinguer contraction du multiple et détérioration des résultats (futurs). L’investisseur fera ainsi sa sélection dans cet univers/style qui est communément appelé « Quality ».
Nous avons déjà évoqué dans ces colonnes les vertus de l’approche thématique, qui ne devraient pas se démentir dans les prochaines années. Nouvelles tendances sociétales, révolutions digitales et environnementales, constituent autant de vagues que l’investisseur de long terme devrait pouvoir surfer avec succès.
Et si à court terme, les chutes de valorisation peuvent donner le vertige, il est probable que le marché fera finalement la sélection entre le bon grain et l’ivraie. C’est finalement 2020/2021 qui était une anomalie, autorisant des valorisations dopées par des liquidités illimitées et quasi-gratuites.
Doutes sur l’ISR
Cette année n’est pas tendre non plus avec l’ISR. Entre scandales de greenwashing, conflit russo-ukrainien et inflation, les indices sous performent.
Les secteurs de l’énergie et de l’armement, grands absents des fonds « durables et responsables », font partie des rares à connaitre des performances positives. Et le secteur technologique, largement représenté dans ces portefeuilles ISR, connait d’importantes corrections.
Et au-delà des mauvaises performances relatives, le manque d’exposition aux ressources naturelles, rempart contre l’inflation, pourrait, aussi accentuer un mouvement de désinvestissement sur l’ISR.
Match inégal
En Europe, la flambée de l’énergie (électricité et gaz surtout) freine le repli tant attendu de l’inflation. Banquiers centraux et politiques ne manquent pourtant pas de volontarisme mais le recours à des aides massives sont une solution de court terme qui alimentera les déséquilibres budgétaires, qui eux-mêmes ralentiront le moteur économique européen, déjà fortement affecté par la crise énergétique. Un cercle vicieux, dont on peut s’interroger s’il pourrait créer un risque systémique ?
A l’opposé, les USA, qui souffrent pourtant aussi d’inflation et de ralentissement économique, sont dans une bien meilleure situation pour rebondir. On constate du coup une réallocation importante en ce sens.
Dé-globalisation
En Chine, l’économie est paralysée depuis de longs mois par la politique du zéro covid. Nombre d’acteurs tablent donc sur un rebond marqué lorsque les autorités décideront de relâcher l’étau sanitaire.
Mais les perspectives doivent être aussi analysées à l’aune, non seulement de critères ESG, mais aussi de la prise de conscience des occidentaux de leur dépendance à l’Empire du Milieu. Nul doute que les équilibres vont là aussi être largement revisités au cours des années à venir, ce qui pourrait peser sur les valorisations à Pékin et Hong Kong.
SWIFT out
Les équilibres seront aussi probablement revisités sur le système financier mondial. En effet, l’exclusion de certaines banques russes du système SWIFT pourrait inciter certains pays à rechercher des alternatives à ce système de transactions international dominé par les États-Unis. Bien entendu, on pense immédiatement à la Chine, si la situation géopolitique avec Taiwan devait se tendre davantage. Il est cependant difficile d’évaluer l’impact d’un tel mouvement, qui se mesurerait plutôt sur le long terme.
On le voit, au travers des quelques points soulevés ici, l’incertitude est plus forte que jamais et les scénarios impossibles à écrire. Le cash ne peut être une solution dans un environnement inflationniste. Et comme la volatilité court terme ne devrait pas disparaitre, il faut simplement savoir être patient. Sélectivité, qualité, constance et vision de long terme sont les maîtres mots pour affronter cette conjoncture.