Art : trompe l’œil

juin 2024 | PERSPECTIVES

Après, ou grâce à, un début d’assouplissement monétaire, le marché de l’art affiche des résultats qui ne sont pas forcément ceux que l’on imagine. Malgré des ventes aux enchères en recul (-14% dans le monde), le dernier rapport d’Artprice relate une explosion des ventes en ligne (+285%) et un nouveau record du nombre d’adjudications, notamment d’œuvres de moins de $1 000.

Serait-ce l’indication d’un début de basculement générationnel ? L’âge moyen des nouveaux acheteurs est désormais de 41 ans, contre 63 au début du siècle. Un temps réticentes au numérique, les grandes maisons ont, quant-à-elles, drastiquement augmenté leur présence en ligne, conscientes que l’évolution enclenchée était inéluctable. Le succès de l’art moderne et contemporain, qui représentent respectivement 40% et 17% du chiffre d’affaires global en 2023, pourrait ne pas être étranger à ces évolutions générationnelle et numérique…

Orientalisme

Dans ce marché finalement toujours dynamique, mais aux contours mouvants, le leadership américain tient, malgré des chiffres en berne : le marché de l’art n’a totalisé « que » $5,2 milliards de vente, soit une chute de 28%. Oncle Sam doit en plus composer avec une concurrence asiatique de plus en plus féroce. Capitalisant sur la consolidation de Hong Kong comme vitrine de son soft power, la Chine affiche à nouveau des performances prépandémiques, les ventes y atteignant $4,9 milliards.

Les places traditionnelles que sont le Royaume-Uni et la France conservent leur troisième et quatrième position, mais les ventes fondent, tandis que l’Inde enregistre une progression spectaculaire (+76%). Une croissance d’autant plus pérenne que les ventes indiennes concernent majoritairement des œuvres domestiques. Adjugée à $7,4 millions, « The Story Teller », peinture de l’artiste nationale Amrita Sher-Gil, constitue l’œuvre indienne la plus chère jamais adjugée.

Evolutionnaire

Signe d’une reconnaissance accrue, les transactions concernant les œuvres de femmes ont triplé en 10 ans. Le top 50 des artistes femmes les plus fortement valorisées voit des records spectaculaires, avec l’arrivée de Yayoi Kusama (189,7 millions de dollars), Joan Mitchell (112,6 M$), Georgia O’Keeffe (56,2 M$), Louise Bourgeois (50,2 M$) et Cecily Brown (46,6 M$).

Enfin, la reprise des NFT, un temps affectés par le krach des cryptomonnaies dont on sait le rebond récent, constitue une autre tendance de fonds notable des derniers trimestres.  Ces œuvres certifiées numériquement s’imposent comme des produits dérivés naturels dans les plus grands musées (Louvre, British Museum, MoMA, etc.). Leur intégration au sein des grandes maisons va également bon train, alors que Sotheby’s a lancé sa première plateforme assistée par l’IA.

Décidément, l’art est également un secteur en plein changement, dont les tendances nouvelles le rendent probablement plus accessibles que jamais !