Marché : l’équilibriste juin 2025 — Perspectives
L’économie mondiale, en cette fin 2025, évoque un funambule concentré : un pied devant l’autre, souffle
suspendu sous le regard d’un public qui retient sa respiration… mais la traversée continue. La croissance
ralentit mais tient, l’inflation se calme sans disparaître, et les banques centrales avancent à pas comptés :
l’équilibre est réel, mais rien ne semble acquis.
Nous voilà dans l’ère de la slowflation, ce régime hybride où l’élan repose autant sur les géants
technologiques (les Mag 7, qui courent le marathon en sprintant) que sur des politiques budgétaires
généreuses. Derrière cette façade résiliente, les vieux fantômes, dette publique, démographie,
géopolitique, rôdent encore.
États-Unis : plateau
L’économie américaine ralentit, mais ne cale pas. Le point sensible ? La consommation : ces derniers mois,
le top 10 % des ménages a assuré près de la moitié des dépenses, porté par les marchés actions et l’essor
de l’IA (les Mag 7 encore). Si cet “effet richesse” se tarit, l’élan pourrait faiblir. L’emploi montre des signes
de fatigue, l’immobilier reste verrouillé par des taux élevés, la confiance glisse légèrement. Mais les
bénéfices résistent, dopés par les investissements massifs en IA et infrastructures, ce qui maintient le
scénario d’un atterrissage en douceur.
La Fed a enclenché le cycle de baisse des taux, attendus autour de 3,5 % fin 2025. En parallèle,
l’administration Trump mélange relance fiscale et protectionnisme : un cocktail qui stimule la demande
mais ajoute une couche d’incertitude.
Europe : accalmie fragile
En zone euro, une inflation revenue autour de 2,1 % permet à la BCE de relâcher un peu la bride. Mais la
croissance reste modeste et très inégale. L’Allemagne peine à sortir de son marasme industriel, la France
jongle entre contraintes budgétaires et turbulences politiques. Heureusement, le Sud, lui, surprend :
l’Espagne et le Portugal affichent plus de dynamisme, soutenus par l’investissement public et un tourisme
robuste.
Les indices européens progressent, mais manquent encore d’un moteur clair. Si l’Europe était un athlète,
on dirait qu’elle s’échauffe… sans pouvoir encore s’aligner pour la course.
Marchés financiers sur la crête
Les actifs risqués, eux, gardent le sourire. Le High Yield, la dette d’entreprises et le crédit bénéficient d’un
double moteur : l’espoir d’un assouplissement monétaire durable (la nomination du nouveau président
de la Fed en 2026 suscite des attentes) et la résilience des entreprises. Le marché primaire est en forme,
les nouvelles émissions sont largement sursouscrites.
Les indices reflètent cet état d’esprit : +12 % pour le S&P 500 et le Stoxx 600 depuis janvier. Les spreads se
resserrent, les taux longs refluent, l’or dépasse 4 000 $ l’once, le pétrole recule, le dollar rebondit (avant
sans doute de reprendre sa glissade).
Les marchés avancent donc sur une crête étroite : l’air est vif à de tels sommets, grisant peut-être même…
mais le vent peut tourner vite. Et la bascule être violente.
Actifs privés : ça tourne
Les actifs privés, private equity, dette privée, infrastructures, actifs réels, occupent désormais une place
majeure dans les allocations d’investissement. Leur poids a doublé en dix ans pour dépasser
12 000 milliards de dollars, représentant aujourd’hui près de 35 % des portefeuilles des family offices. Si leur
évolution n’est pas exempte de turbulences, ces marchés offrent des cycles plus longs, une exposition
directe à l’économie réelle et une décorrélation bienvenue face au bruit et à la volatilité instantanée des
marchés financiers.
La conjoncture diffère selon les régions :
– Aux États-Unis, le private equity bénéficie d’un rebond marqué, porté par de très grosses opérations,
une forte capacité d’investissement et un marché des sorties (IPO, M&A) légèrement plus dynamique.
L’innovation, la tech et la santé restent des moteurs clés, avec une rapidité d’exécution et des
valorisations souvent élevées.
– En Europe, la reprise est plus progressive, axée sur le mid-market et la diversification sectorielle, avec
une forte intégration des critères ESG. Les contraintes réglementaires sont plus strictes, les cycles de
détention plus longs, et le marché secondaire (fonds de continuation, opérations secondaires) gagne
en importance pour offrir de la liquidité.
Dans les deux cas, les actifs privés s’imposent comme un pilier durable et stratégique dans la construction
de valeur à long terme, en complément des marchés cotés, mais avec des dynamiques et des rythmes
propres à chaque continent, soulignant la pertinence de la diversification géographique.
2026 : terrain glissant
La hausse des actifs en 2025 n’a rien d’un miracle ; elle repose sur des fondations plus solides qu’on ne
l’aurait cru : bénéfices en progression, inflation en normalisation, banques centrales plus souples,
politiques budgétaires actives et investissements IA massifs. L’économie mondiale repose ainsi sur quatre
piliers : baisse progressive des taux, soutien budgétaire, essor technologique et effet richesse (à surveiller
de près).
Pour 2026, la dynamique reste positive… mais sous tension. Une résurgence d’inflation, une surprise
politique, un choc commercial, et le funambule pourrait vaciller. Ce sera une année où il faudra éviter aussi
bien l’euphorie que les prophéties sombres : discipline, diversification et vision long terme seront les
meilleurs filets de sécurité.
L’économie avance encore. Sur un fil, certes, mais avec un sens de l’équilibre qui force autant l’admiration
que la vigilance.