Jadis, les navigateurs bravant les mers inconnues imaginaient des créatures fantasmagoriques prêtes à engloutir leur navire. Forts de cet imaginaire, ils partaient conquérants audacieux, voire inconscients, mais certainement un peu craintifs aussi.
Aujourd’hui, les investisseurs, échaudés par trois années inédites, doivent gérer leurs propres monstres : le léviathan inflationniste, les sirènes des taux d’intérêt, et le kraken géopolitique. La conjoncture et les marchés sont-ils devenus une mer inexplorée ?
Au premier semestre, la surprise (des hausses brutales de taux) passée, le marché s’est finalement accommodé de ce nouvel environnement, qui a vu un rebond significatif des bourses mondiales. Les anticipations de bascule rapide de la politique monétaire américaine, accompagnées de solides résultats des entreprises, ont soutenu le mouvement, malgré quelques chahuts lorsque l’inflation s’est révélée plus tenace qu’espérée ou la dynamique économique et de l’emploi plus résiliente qu’attendue. Mais ces anticipations étaient-elles raisonnables quand on sait qu’il faut 12 à 18 mois pour qu’une hausse de taux impacte l’économie ? Après cette mer porteuse, la navigation restera-t-elle sereine au second semestre ? Rien ne semble moins certain…
Actions audacieuses
La prudence doit rester de mise après le rallye du premier semestre, concentré sur un très petit nombre de sociétés, technologiques aux USA, du luxe en Europe. Les mesures vigoureuses des banques centrales depuis 18 mois devraient produire leurs effets. Les résultats des entreprises, qui font preuve jusque-là d’une remarquable résilience, seront probablement un indicateur clé.
Crépuscule des Taux
La fin du cycle de hausse des taux semble proche. Mais ils ne vont pas baisser immédiatement pour autant ! Car si l’inflation des prix semble en passe d’être jugulée, la vigueur du marché de l’emploi, aux USA surtout, pousse les banques centrales à la prudence, de peur de voir s’installer l’inflation des salaires. Les taux pourraient donc se maintenir à des niveaux plus élevés et pour plus longtemps qu’escompté, tel un vent adverse qui refuse de faiblir.
L’Odyssée du Vieux Continent
En Europe, la lecture de la boussole n’est pas évidente !
Comme dans le reste du monde, les entreprises ont affiché de bons résultats, la consommation se maintient, sans enthousiasme ni écroulement. Pourtant, les indicateurs pointent un ralentissement économique évident. Malgré des réservations de vacances à des records qui pourraient redonner un peu d’élan à l’économie.
Le Dragon aux ailes brisées
En Chine, la dynamique post-Covid s’est vite essoufflée ; les marchés financiers n’ont pu rebondir. Les autorités mettent du temps à délivrer le stimulus monétaire et fiscal attendu, alors que le pays connaît une inflation quasi-nulle. Entre peur des bulles, reprise en main d’acteurs trop émancipés et pression sociale, la météo reste difficile à prévoir, même s’il parait acquis que des mesures de soutien seront prises à plus ou moins court terme.
Mirage en Haute Mer
L’optimisme des marchés financiers, qui table sur une maîtrise de l’inflation et une légère récession dans les pays développés, permettant de détendre la tension sur les salaires, est-il le reflet de la réalité économique mondiale ? Ou est-ce la poursuite d’une chimère ? Le marché obligataire, à la courbe de taux inversée, anticipe une récession plus importante qui pourrait déclencher des déceptions.
Dans cet océan de supputations, il faut naviguer entre convictions, bon sens et prudence. D’autant que TINA (there is no alternative) a laissé la place à TIAA (there is an alternative). Au-delà d’actifs défensifs, de thématiques long terme, de titres à forts dividendes, de gérants actifs, qui constituent autant de balises pour l’investisseur, le marché des taux offre, enfin, de réelles opportunités.