Ils n’ont ni le clinquant de l’or, ni le glamour du lithium. Et pourtant, cuivre, uranium, étain et consorts sont en train de prendre leur revanche. Longtemps relégués à l’arrière-boutique des matières premières, les métaux critiques sortent de l’ombre, portés par l’électrification massive, la transition énergétique, et une numérisation qui ne connaît pas la panne.
Cuivre : le roi discret de la transition verte. S’il fallait un seul métal pour résumer la décarbonation, ce serait lui. Le cuivre est partout : dans les câbles, les batteries, les moteurs électriques, les panneaux solaires, les éoliennes, les data centers. Bref, tout ce qui fait tourner le monde bas-carbone. Mais il y a un hic : l’offre ne suit pas. Selon S&P Global, il faudrait doubler la production mondiale d’ici 2035, soit l’équivalent d’une méga-mine par an. Or, développer une mine prend en moyenne plus de dix ans, quand tout se passe bien. Autant dire que la tension sur les prix est déjà là – et que ça ne fait que commencer..
Uranium : retour sous tension. Effacé après Fukushima, l’uranium revient en force. Entre les 60 réacteurs nucléaires en construction dans le monde, les ambitions SMR (small modular reactors), et l’impératif de souveraineté énergétique, la demande repart à la hausse. Et les prix avec : le cours de l’uranium a doublé entre 2020 et 2024. Ajoutez à cela une géopolitique électrique (littéralement) : Russie, Kazakhstan, Niger… les principaux producteurs ne sont pas exactement des zones stables. Résultat : une volatilité assumée, mais aussi un potentiel de revalorisation pour les investisseurs capables de lire entre les lignes diplomatiques.
Étain : du placard à la liste stratégique. Plutôt associé à la carafe de grand-mère, Il ne fait pas rêver, mais il est absolument partout : l’étain est la colle invisible de l’électronique moderne. Son principal usage ? Les soudures. Sans lui, pas de circuits imprimés, pas de batteries, pas de transition numérique. Bruxelles comme Washington l’ont bien compris : l’étain est désormais classé métal critique, alors que la moitié de la production mondiale provient d’un seul pays : la Chine. Fragile, donc.
À travers ces trois exemples se dessine une tendance de fond : la réhabilitation des métaux stratégiques comme leviers de puissance économique et politique. Ce basculement vers une économie bas-carbone crée une demande explosive pour certains métaux qu’on considérait jusqu’ici comme accessoires. D’ici 2030, les besoins en métaux critiques pourraient tripler, selon l’Agence Internationale de l’Energie. Mais l’offre, elle, est beaucoup plus lente à évoluer. Entre délais réglementaires, résistances locales et impératifs environnementaux, ouvrir une mine est un parcours du combattant qui nécessite une dizaine d’années. Résultat : des chaînes de valeur fragilisées, des prix volatils — mais aussi des opportunités rares pour les investisseurs.
Dans cette course, la Chine garde une longueur d’avance. Elle contrôle 42 % du raffinage mondial de cuivre, 68 % du cobalt, 90 % du graphite, et l’essentiel des chaînes de transformation. Mais les États-Unis, l’Europe, le Japon et plusieurs pays africains lancent une contre-offensive industrielle. Mines, raffineries, recyclage, recherche sur les matériaux de substitution : la partie n’est sans doute pas jouée. Mais cette ruée n’est pas sans risques. Les tensions environnementales et sociales autour des projets miniers se multiplient, du Groenland à la République démocratique du Congo en passant par la Suède. En parallèle, le recyclage et les technologies de substitution progressent. Mais ils ne suffiront pas à combler des besoins qui devraient tripler dans les prochaines années.
Pour les investisseurs de long terme, les métaux stratégiques ne sont plus un pari spéculatif : ce sont des actifs structurels, au croisement de la transition énergétique, de la souveraineté industrielle et des rivalités géopolitiques. Pas toujours spectaculaires, souvent techniques, parfois volatils, ces matériaux n’en sont pas moins des leviers puissants pour qui cherche à se positionner sur le temps long. Et parce qu’ils ont longtemps été négligés, ils offrent aujourd’hui un potentiel de revalorisation d’autant plus intéressant qu’il reste, parfois encore, sous les radars.

