Après plus de deux ans d’attente, les détenteurs d’obligations AT1 de Crédit Suisse ont cru apercevoir une éclaircie : le Tribunal administratif fédéral (TAF), chargé de contrôler les décisions des autorités suisses, leur a partiellement donné raison face à la Finma, le régulateur financier. Une avancée ? Oui. Une victoire ? Pas vraiment – pas encore.
Comme le rappelle Fabien Liégeois, professeur à l’Université de Genève, les AT1 ne sont pas des obligations ordinaires. Ces titres ont l’apparence de la dette… mais aucun des droits qui vont avec. Les investisseurs ne peuvent ni exiger leur remboursement, ni compter sur des intérêts garantis : tout dépend du bon vouloir de l’émetteur – désormais UBS, depuis la reprise express de Credit Suisse en mars 2023. L’Ordonnance sur les fonds propres (OFR) est limpide : l’émetteur « ne doit susciter aucun espoir de remboursement ». Autrement dit, même un jugement favorable ne transformera pas ces obligations perpétuelles en dettes classiques.
Et même si la décision était confirmée par le Tribunal fédéral, ultime arbitre helvétique, le casse-tête resterait entier : qui paierait ? combien ? selon quel mécanisme ? UBS pourrait plaider qu’elle a repris Credit Suisse sur la base d’accords validés par Berne et demander à l’État d’en partager le coût. De son côté, la Finma campe sur sa position : les AT1 sont des instruments de renflouement, pas des outils de compensation.
Ironie du droit et de la finance : les plaignants pourraient avoir juridiquement raison… sans jamais revoir un centime. Une victoire au goût amer : comme gagner un procès pour récupérer une maison… qui a déjà disparu du paysage.