L’art artificiel

March 2020 | PERSPECTIVES

2019 s’est soldé par une baisse globale de l’ordre de 5% des volumens mondiaux traités, toujours largement dominés par les USA. La Chine et le UK (qui subit également le contrecoup du Brexit et voit sa part diminuer globalement) constituent toujours le trio de tête. Seule exception, la France voit une croissance de ses ventes et représente 7% du marché mondial.

Ainsi, les constats dressés dans notre dernière Lettre demeurent, d’un marché ultra sélectif, qui sera, cette année, fortement impacté par la crise sanitaire. Dans ce contexte, il nous semble pertinent de tenter un peu de prospective. Car l’histoire de l’art subit actuellement une importante évolution liée à l’interconnectivité offerte par internet, qui permet un brassage d’idées, d’artistes et de concepts.

Ce brassage amène les grands musées et maisons de vente à réviser leurs méthodes de présentations et d’expositions (Une intéressante table ronde se tenait à ce propos en mars au Sotheby’s Institute of Art de New York – voir lien ci-dessous). Mais une autre révolution pourrait aussi révéler des surprises dans les prochaines années.

En octobre 2018, le microcosme de l’art était tombé de sa chaise quand le Portrait d’Edmond de Belamy, produit par le collectif français Obvious, avec le concours de l’intelligence artificielle, était adjugé $432 500 chez Christie’s. Soit quarante-cinq fois son estimation ! L’œuvre n’était pas une peinture de chevalet, mais une reproduction, par imprimante, d’une image conçue par un algorithme à partir d’un corpus de 15 000 œuvres existantes.

Bien que le terme d’intelligence artificielle soit né dans les années 1950, les ventes aux enchères peinent encore à le cerner. Le marché a toujours été réticent à l’idée de promouvoir des œuvres incluant des composants électroniques, ou se déployant en ligne. Essentiellement pour des questions de maintenance, donc de pérennité. Il faut du temps au marché pour s’adapter aux nouvelles tendances, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’œuvres ayant des parts d’immatériel.

Christie’s avoue d’ailleurs ne pas prévoir, dans l’immédiat, de ventes consacrées aux œuvres nées de l’intelligence artificielle. Mais, l’écurie de François Pinault n’exclut pas que l’usage de cette technologie connaisse le même destin que la photographie. Et de préciser : développer les outils est aujourd’hui coûteux, il faut des compétences spécifiques pour les utiliser. Mais demain, ils seront plus largement diffusés.

D’autant que l’intelligence artificielle s’immisce, lentement mais sûrement, dans notre quotidien.

« Les artistes aux pratiques aventureuses se saisissent du potentiel créatif de ces technologies, porteuses, en elles-mêmes, d’imaginaire, indique le critique Dominique Moulon. De leur côté, les institutions qui s’interrogent sur les problématiques sociétales se doivent d’aborder l’intelligence artificielle au travers d’œuvres qui, soit l’évoquent, soit en sont issues ».

Le Centre Pompidou, qui organise depuis le 28 février, une exposition intitulée « Neurones. Les intelligences simulées », présentera en juin une exposition d’Hito Steyerl, une artiste allemande qui utilise l’intelligence artificielle pour créer des films envoûtants, porteurs de messages féministe ou écologique.

Les machines pourront surement créer, mais ne pourront pas déterminer l’intérêt de leurs créations, car elles n’ont pas de conscience.

L’art en tant que marché est encore jeune. Son importante croissance récente l’a forcément institutionnalisé. Il ne pourra cependant pas ignorer le phénomène de la « création artificielle ».

Consultez le rapport annuel du marché de l’art de Artbasel/UBS https://www.artbasel.com/about/initiatives/the-art-market

Accédez à la synthèse de la table ronde du New York Sotheby’s Art Insitute
https://fr.artprice.com/artmarketinsight/artprice-au-sothebys-institute-of-art-de-new-york-le-marche-de-lart-a-atteint-un-tournant-dans-son-histoire