La pierre, la terre et le virus

July 2021 | PERSPECTIVES

Source : EMEA Investor Intentions Survey 2021, CBRE Research ; Emerging trends in real Estate, PwC Global outlook 2021

Difficile de croire à quel point cette dernière année aura bouleversé nos modes de vie, tant au niveau collectif qu’individuel. Pas un seul aspect de notre quotidien n’a été épargné, même parmi ceux que l’on croyait intouchables. Et rien n’aura plus marqué les esprits que les expériences de confinement qui ont transformé, déplacé, et rétréci nos espaces de vie de manière inédite. Or, qui dit espace de vie, pense maison, bureau, et plus généralement immobilier. Un secteur dont les tendances actuelles reflètent bien les changements et les incertitudes portés par la crise sanitaire.

Si l’on devait retenir un seul fait marquant pour l’année 2020 et le début de 2021, c’est le triomphe de l’immobilier « logistique », consacré à la location et la vente d’entrepôts, hangars et terrains industriels. Une évolution peu étonnante, si l’on considère à quel point les mesures de restriction et les craintes liées à la pandémie ont fait exploser le commerce en ligne. Un commerce dont les besoins en surface sont jusqu’à trois fois plus importantes que pour le commerce de détail. Représentant 21% de l’activité du marché mondial immobilier en 2020, l’immobilier logistique a largement dépassé sa moyenne historique de 13% et sort gagnant de la crise, attirant un nombre record d’investisseurs aussi bien en Asie Pacifique qu’en Amérique du Nord et en Europe.

A l’inverse, l’immobilier commercial, déjà fragilisé par le développement du e-commerce avant la pandémie, a souffert. Une baisse qui pourrait se poursuivre jusqu’à se retrouver, dans de nombreux cas, à des niveaux inférieurs au coût de remplacement, permettant ainsi la reconversion de ces actifs vers des segments plus rémunérateurs.

L’immobilier de bureau demeure la classe d’actifs favorite des investisseurs, malgré des perspectives incertaines. Avec l’avènement du télétravail à grande échelle, la question de la pertinence d’un bureau centralisé, avec ses coûts d’entretien toujours plus élevés, devient de plus en plus récurrente. C’est une question que les entreprises locataires et propriétaires semblent vouloir éviter pour le moment, préférant se focaliser sur une gestion immédiate de la crise sanitaire. Si cette fragilité est moins marquée en Asie Pacifique, où le télétravail peine à percer, les investisseurs dans les principales autres régions du monde viennent à favoriser les biens de qualité, flexibles et modernes, au détriment d’immeubles jugés de moindre qualité.

Quant au segment résidentiel, il continue à bénéficier des faveurs des investisseurs, et ce pour deux raisons principales : la stabilité de ses rendements et sa dimension ESG. La construction et/ou l’investissement dans des projets résidentiels abordables entre pleinement dans le cadre des agendas ESG des différents acteurs de l’industrie, des investisseurs jusqu’aux consommateurs.  Si cette volonté affichée de responsabilité dépasse la dimension sociale et touche aussi à des préoccupations environnementales, il reste toutefois un écart important entre les données scientifiques effectives et disponibles, d’une part, et les besoins et capacités d’action réelles du secteur, d’autre part.

Si le volume des flux nets de capitaux dans le secteur immobilier a chuté de 29% entre 2019 et 2020, les investisseurs restent optimistes sur ses perspectives. Le rapport annuel de CBRE indiquait en effet que 60% des interrogés avaient l’intention d’accélérer leurs achats en 2021. Si certains observateurs sont convaincus que l’immobilier sera de plus en plus considéré comme une composante essentielle de tout portefeuille d’investissement, grâce à ses rendements et sa dimension de valeur refuge, d’autres intervenants s’inquiètent de sa volatilité et du risque de bulle, notamment dans le segment logistique.

Face à un tel constat, la règle d’or de l’emplacement, qui saura préserver la valeur patrimoniale des actifs, demeure plus indispensable que jamais.